Si les statistiques ne retiennent que les vainqueurs, ce 28 août 1988 est encore dans toutes les têtes des suiveurs assidus de la petite reine. Retour sur les championnats du monde 1988 qui nous rappellent combien le sport cycliste peut être parfois cruel.
Alors que la Belgique va accueillir pour la dixième fois les mondiaux sur route cette année, c’est la huitième qui va retenir notre attention aujourd’hui, sans doute la plus marquante de toutes.
Renaix, au cœur des Flandres, doit sacrer un coureur attachant, un homme au grand cœur, Claude (dit Claudy) Criquielion. Déjà champion du monde en 1984 à Barcelone, le wallon s’est constitué un palmarès qu’une grande majorité de coureurs rêverait d’obtenir : un Tour des Flandres, deux Flèche Wallonne et un Tour de Romandie. Si on devait faire une analogie avec un champion actuel, ce serait sans doute Philippe Gilbert, wallons tous les deux (ils sont marginaux chez les champions), passant aussi bien le Vieux-Quaremont que les cols (Philippe Gilbert a, faut il le rappelait, deux Tour de Lombardie à son palmarès). Mais ce qui caractérise le plus les champions, c’est leur popularité, aussi bien dans leur région d’origine qu’en Flandre.
Le Belge a, outre ses victoires sur des grandes courses, eu plusieurs désillusions marquantes sur la course de ses rêves, Liège-Bastogne-Liège. Battu au sprint en 1985 et 1986 par Moreno Argentin (un Alejandro Valverde avant l’heure), il l’avait sorti de sa roue dans la côte de la Redoute en 1987. Mais, parce qu’il a (encore) un mais, il est accompagné par l’Irlandais Stephen Roche, les deux rivaux qui comptaient encore une minute à trois kilomètres, se regardent dans le blanc des yeux à la manière de Jakob Fuglsang et Julian Alaphilippe lors de l’Amstel Gold Race 2019. Au moment de lancer le sprint, il est déjà trop tard, Argentin (italien) est passé sur son élan, pour venir coiffer les deux. Il faudra s’en rappeler.
La course de ces championnats du monde est, en elle-même, limpide. Le peloton qui reprend une échappée matinale, les équipiers des favoris qui empêchent les offensives d’outsiders, puis les hommes forts qui s’expliquent dans la dernière ascension, là où la fatigue est à son paroxysme, deux hommes s’isolent à l’amorce des derniers kilomètres avec des poursuivants à quelques secondes. Claudy est avec un Italien (tiens ça nous rappelle quelque chose), Maurizio Fondriest, supposé plus faible que lui au sprint. Le scénario Liège la saison passée est en passe de se reproduire, les deux s’observent, le Canadien Steve Bauer rentre à 700 mètres de la ligne. Le trouble-fête (c’est le cas de le dire) lance le sprint aux 200 mètres, l’idole locale le remonte jusqu’au pédalier mais Bauer ne lui laisse même pas le temps de le passer, il l’emporte involontairement contre les barrières, s’en est fini des rêves de sacre à domicile. Bauer aura eu le mérite de faire un heureux à Renaix, il s’agit de Maurizio Fondriest qui était battu à la régulière mais qui profite de la collision pour s’offrir la plus belle victoire de sa carrière (il sera numéro 1 mondial en 1993, en remportant Milan – San Remo).
Champion émérite ou looser magnifique ?
Le champion wallon, décédé en 2015 d’un AVC, déclara quelques années plus tard : « Ce qui, aujourd'hui, c'est que l'on a parfois tendance à se souvenir plus de ma chute et de ma défaite à Renaix que du titre que j'ai conquis en 1984 à Barcelone. Ça, c'est frustrant !". Les Belges avaient trouvé leur Poulidor… Crédits : Getty Images
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