Nous avons eu la chance de nous entretenir avec Sacha Bietry, à l’entame de sa quatrième saison au sein de l’équipe continentale de Novo Nordisk. Pour rappel, cette formation est composée uniquement de coureurs atteints par le diabète. Il a donc été intéressant d’échanger avec le coureur vosgien, qui nous a expliqué le fonctionnement de l’équipe par rapport à cette maladie. En parallèle, Sacha court également en amateur avec l’ASPTT Nancy sur certaines courses Elites (comme les manches de Coupe de France).
BF : En quelques mots, comment s'est passée ta saison 2022 ?
SB : L'année 2022 a été compliquée. Je me suis cassé le bras mi-avril lors d'une chute. Je n’ai alors pas pu m'entrainer jusque début juillet. Je ne voulais pas forcer puisque je me suis déjà cassé le bras en octobre 2021 lors d'un cyclo-cross. Mon retour s'est fait en août sur le Tour de Guyane. Ensuite, j’ai fait un Tour de Bohème du Sud correct, ce qui a permis à mon équipe Novo Nordisk Conti de me reproposer un contrat. En espérant que 2023 soit meilleur !
BF : Est-ce qu’il y a une course que tu attends avec impatience cette année ?
SB : Non, je prendrai les courses les unes après les autres.
BF : On sait qu'il n'y a que des coureurs diabétiques chez Novo Nordisk, qu'est-ce qui change réellement par rapport aux autres équipes ?
SB : C'est quelque chose en plus à prendre en compte. Il y a forcément plus d'attention à avoir. Il faut que cela soit géré le mieux possible pour être plus performant. Mais en course c’est la même chose que pour un coureur normal. Il faut s’alimenter en fonction de ses besoins. Les ravitaillements consommés en course sont les mêmes que les autres coureurs du peloton.
J'ai une pompe à insuline que l'on peut m'injecter en cas de besoin. Certains optent pour des stylos à insuline qu’ils doivent s’injecter eux même, un peu comme une piqure.
Parfois, en cas de grosse hypoglycémie, on se sent faible, on n’a plus de force et nous n’avons pas le choix d’abandonner. Mais ça, ça arrive aussi à des coureurs non diabétiques ! C’est pour ça que diabétique ou non, il est super important de gérer au mieux son alimentation sur le vélo !
BF : À quel moment as-tu su que tu étais atteint du diabète ?
SB : Je le sais depuis 6 ans, depuis 2017. Cela est arrivé pendant la période des cyclo-cross. Je me suis retrouvé de moins en moins performant. Lors de la dernière course, sans que je le sache, j’ai subi des crampes dès le début. On m’a alors conseillé de me renseigner. Après une prise de sang, j’ai alors découvert que j’étais atteint de diabète.
Au début, c’était un choc. Mon entraineur m’a rapidement rassuré et m’a parlé de Charles Planet, que je ne connaissais pas à ce moment-là et je n’avais jamais entendu parler de l’équipe Novo Nordisk. Il m’a alors mis en contact avec lui. J’étais rassuré et j’ai su que je pourrai continuer.
Sacha a donné plus d’informations sur la différence entre le diabète de type 1 (dont les membres de l’équipe sont atteints) et le diabète de type 2.
Diabète de Type 1 : le pancréas ne fonctionne plus correctement sans raison et cela reste à vie. Les scientifiques ne savent pas pourquoi cela arrive.
Diabète de Type 2 : Le pancréas ne fonctionne plus, mais cela est dû à des raisons extérieures (malnutrition, sédentarité, vieillesse…). Cela ne concerne donc pas les sportifs de haut niveau.
Novo Nordisk est un gros laboratoire axé sur la recherche dans le diabète. Dans l’équipe, tout le monde peut utiliser son propre matériel pour le traitement.
BF : Est-ce dans l'équipe vous vous sentez plus soudés puisque vous êtes atteints de la même maladie ?
SB : Nous vivons avec ça, cela est normal pour nous donc nous n’en parlons même pas. Nous savons ce que cela fait. Le traitement est le même entre l’ASPTT Nancy et Novo Nordisk. Les gens de Nancy sont bien informés et au courant de mon diabète donc on aborde plus trop le sujet.
BF : Comment s'est établit le contact avec l’équipe ?
SB : J’ai eu un coup de fil avec Charles Planet. C’est mon entraineur qui m’a donné son numéro. J’avais une bonne condition car je suivais une classe sportive pendant mes études. Durant l’été 2019, je me suis rendu un camp d’entrainement et de détection organisé par Novo Nordisk. Il y avait une trentaine de coureurs qui étaient là pour se faire détecter. Cette semaine s’est super bien déroulée pour moi et j’ai pu signer mon premier contrat pro pour l’année 2020. Cette année-là, l’équipe a recruté quatre nouveaux coureurs.
BF : Est-ce que ça t'apporte beaucoup d'être dans l'équipe puisque chaque course est dans un pays différent ?
SB : C’est vrai qu’il y a beaucoup de voyages. Cela est une belle expérience de voir différents pays, à différents niveaux.
Cela nous est déjà arrivé d’échanger avec des locaux mais cela reste assez rare. Par exemple, nous avions participé à un séminaire à Belgrade en Serbie avec des gens diabétiques.
Dans les grandes villes, des gens viennent nous voir car Novo Nordisk est connu.
BF : Connaissais-tu d'autres sportifs diabétiques avant de passer pro ?
SB : Oui, Charles Planet et j’ai déjà croisé un autre amateur en Haute Saône.
BF : Est-ce qu'il y a un écart de niveau entre quelqu'un de "normal" et quelqu’un de diabétique ?
SB : Aucune influence. Cela dépend vraiment du niveau du coureur et non du diabète.
BF : Est-ce que tu as eu peur lors du confinement parce que les diabétiques étaient considérés comme personnes à risque ?
SB : Non. J’étais en Croatie trois jours avant le confinement. Nous devions participer à une course, mais la veille on a du tout remballer pour ne pas être bloqué avant la fermeture des frontières. Bien sûr, j’étais tout de même vigilant, en respectant les gestes barrières et la distanciation sociale. Durant le confinement, je roulais sur home-trainer une fois tous les deux jours et je faisais aussi du renforcement musculaire. Je ne me mettais pas de pression car je savais que les courses ne reprendraient pas juste après le confinement. Dès le 11 mai (date du déconfinement) j’ai repris l’entrainement normalement.
BF : Ce n'est pas dérangeant de courir aussi à côté en amateur avec l'ASPTT Nancy ?
SB : L’équipe n’aime pas trop mais c’est arrangeant car cela permet de faire plus de courses et de garder la forme.
Je ne sais pas encore si je pourrai faire plus de course avec la réforme des catégories instaurée cet hiver.
BF : Comment envisages-tu cette nouvelle saison ?
SB : Je serai sur un front comme sur l’autre (Novo Nordisk et Nancy). Je prendrai les courses au jour le jour. J’ai fait une grosse prépa hivernale. Je sens avoir passé un cap et je profiterai au maximum. J’espère être performant sur le Tour de l’Ile de Rhodes. Mon objectif est de me faire ma place dans la ProTeam.
BF : Est-ce qu'il y a une grande différence dans la manière de courir entre les amateurs et les pros ?
SB : Ça dépend de la physionomie de la course, il n’y a pas une grande différence. Dans une élite nationale, ça court comme une classe 2.1.
Merci beaucoup à Sacha pour sa grande accessibilité et sa grande gentillesse. Nous lui souhaitons un grand succès en 2023 en espérant que la saison sera belle et que ses objectifs seront atteints !
Louis
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