Après 3 semaines intenses de course, le Giro a rendu dimanche à 17h13 son verdict et sacre pour la première fois le prodige Egan Bernal. Vainqueur de son 2e grand tour après le Tour de France 2019, le natif de Bogota rentre déjà dans l’histoire de son sport à seulement 24 ans en devenant le premier coureur à gagner Paris-Nice, le Tour de Suisse, le Tour d’Italie et le Tour. Mais revenons plus en détail sur ce qui a marqué la 104e édition du Giro.
LES TOPS :
Un futur radieux :
Comme cité dans un précédant article, la jeunesse aura marqué les esprits pendant les 3 semaines de compétitions.
Tout d’abord en montagne avec le duo Ineos Daniel Martinez et le vainqueur Egan Bernal. Les 2 colombiens ont éclaboussé la course de leur talent et de leur maitrise, résistant à chaque assaut de Simon Yates puis Caruso malgré une baisse de régime finale pour le porteur du maillot rose. N’oublions pas ceux qui devancent et précèdent Martinez avec Alexandr Vlasov et Joao Almeida. L’un dans un style de pur grimpeur qui comme Bernal a connu un coup de moins bien sur la fin, l’autre qui épouse parfaitement la tendance du cyclisme mondial avec des grimpeurs très puissants donc excellent roulant qui gravissent les cols les yeux rivés sur le capteur de puissance. Le prodige Tobias Foss apparait lui comme la surprise de ce Giro parmi les leaders avec une 9e place totalement inattendue qui risque de sonner la fin des rêves de leadership de George Bennett.
En échappée, nul doute que vous ayez croisé la route de Gino Mader, Attila Valter ou encore Lorenzo Fortunato. Le suisse vaincu quelques semaines plus tôt au sommet de la Colmiane par la fusée Primoz Roglic a cette fois ci pu enfin lever les bras au sommet de San Giacomo grâce à un travail titanesque de son équipier Matej Mohoric. C’est ici même que Attila Valter, propulsé leader de FDJ en l’absence de Thibaut Pinot, va s’emparer pour la première fois de sa carrière du maillot rose, lui qui bénéficiait d’une belle avance sur les leaders grâce à une échappée fleuve sur l’étape 4. Alexandro Covi et Mauro Schmid ont également animé les échappées avec en point d’orgue un sprint à 2 sur l’étape 11 remportée par le suisse de la Qhubeka.
Sur des routes plus plates, Matteo Moschetti continue son apprentissage en obtenant 3 top 6. Dommage que David Dekker ne fut qu'équipier du revenant Groenewegen.
Pour finir, mention spéciale à l’excellent Eduardo Affini qui signe 2 podiums remarquables sur les deux chronos, en plus d’une 2e place improbable à Vérone où il n’était pas loin de piéger les sprinters.
Bahrain Victorius
Après le départ de McLaren fin 2020, l’équipe bahreïni s’est offert un Giro de feu, peut être son meilleur grand tour depuis l’arrivée du sponsor Bahreïn en 2017 et malgré la présence de Vincenzo Nibali pendant ses premières années principalement grâce à un homme, Damiano Caruso.
Initialement prévu en lieutenant du duo Pello Bilbao et Mikel Landa, le natif de Raguse va bénéficier des malheurs des Espagnoles (abandon de Landa sur l’étape 5 et énorme perte de temps de Bilbao la vieille) pour s’emparer du leadership. Équipier légendaire de Vincenzo Nibali dont il a participé aux plus belles heures de sa carrière (Vuelta 2010 et Giro 2013) puis de Richie Porte chez BMC, il a montré qu’il était beaucoup plus qu’un simple poseur de tempo en étant le seul adversaire de la fusée colombienne Egan Bernal. Jamais débordé et perdant très rarement plus de 40 secondes, Damiano Caruso aura pu profiter d’équipier de premier plan mais surtout une résistance à la pression acquis aux cotés des plus grands. Auteur de 3semaines d’une incroyable régularité, il ne lui manquait qu’une victoire pour valider son exploit. Chose faite au sommet de l’Alpe Motta sur l’étape reine devant les 2 coureurs Ineos.
Après cette course presque parfaite, on peut affirmer une chose et se poser une question. Premièrement, Damiano Caruso était le meilleur grimpeur en 3e semaine de ce Giro. Deuxièmement, Egan Bernal aurait-il pu triompher du sicilien sans un Daniel Martinez au sommet de son art ?
N’oublions pas ses coéquipiers qui ont eu toute la liberté de s’exprimer pendant la course, renversant encore plus le prestige de la performance de Damiano Caruso quand toute la Ineos était dévoué à son leader colombien. 2e au sommet du Monte Zoncolan grâce à Jan Tratnik, vainqueur de l’étape 6 grâce à Gino Mader et au travail de Matej Mohoric et également 13e du général grâce à une belle remontée de Pello Bilbao. Tout cela en courant plus de la moitié du Giro à 5 après les abandons de Landa, Mohoric et Mader.
Forza Azzuri
L’Italie chérit son grand tour et ses coureurs le lui rendent bien. 4 ans après Nibali, l’Italie retrouve le podium avec son nouveau héros, Damiano Caruso.
Mais l’Italie sur ce Giro, c’est aussi une présence sur tous les fronts et de chaque instant. 5 coureurs dans le top 20, 5 jours en rose et 7 victoires d’étape, un triomphe pour les transalpins.
Au tour d'Italie, tout commence souvent par un effort solitaire et à ce jeu-là, un homme se place bien au-dessus de la concurrence. Filippo Ganna est aujourd’hui sans aucun doute possible le meilleur rouleur du monde. Après un tour de Romandie en demi-teinte qui avait fait naitre un espoir de concurrence, le coureur de la Ineos va vite faire disparaitre toute théorie en écrasant le prologue inaugural en devançant la surprise Affini de 10s (soit plus de 1s par kilomètre). Très présent pendant les 3 semaines de course pour Egan Bernal, le coureur natif du piémont ne pouvait pas laisser l’occasion de s’offrir une 5e victoire en 2 ans sur le Giro pour finir. Chose faite en battant Rémi Cavagna de 12s et Eduardo Affini de 13s. Précision, il a roulé la moitié du chrono avec une roue crevée !
L’Italie c’est aussi le sprint avec comme cité précédemment le jeune italien Moschetti mais surtout une délivrance pour Giacomo Nizzolo. Après 2 maillots cyclamens en 2015 et 2016, un titre de champion d’Europe en 2020, la malédiction est enfin rompue. Au terme d’un sprint largement dominé, le coureur de la Qhubeka lève les bras à Vérone devant encore une fois Eduardo Affini après 2 2e place. Davide Cimolai n’en était pas loin non plus avec 4 top 4, il prouve que malgré son âge, il a encore de très beau reste.
Mais l’Italie ne serait rien sans son panache et comment ne pas citer l’équipe de 2 des plus grands attaquants de l’histoire Ivan Basso et Alberto Contador, la Eolo Kometa. Cela serait très réducteur de qualifier ces coureurs uniquement comme au service du duo Basso/Contador tant ils ont été présent. Et dans cette performance, un homme ressort, Lorenzo Fortunato.
L’italien de 25 ans s’est tout simplement imposé au sommet du mythique Monte Zoncolan au terme d’une échappée de 200km devant Jan Tratnik et Alexandro Covi (figure majeure de ce Giro déjà évoqué plus haut). Une performance qui va rendre fou de joie son ds espagnol, fier de son prodige.
Citons également les 2 victoires en baroudeur de Alberto Bettiol et Andrea Vendrame.
Enfin, mention spéciale à Gulio Ciccone qui, après un début de course presque parfait, va subir un enchainement de malchance assez incroyable avec 1 chute puis 2 ennuis mécaniques qui vont lui faire énormément de temps sur l’étape 17, ce qui entrainera son abandon le lendemain.
Bonus : Dan Martin pour sa victoire qui lui offre le petit chelem (gagner sur chaque gt), le parcours, la présence du public
LES FLOPS :
Une organisation dépassée
Nous n’allons pas faire dans la dentelle pour ce premier point, la gestion de RCS Sport a été indigne d’une course de ce statut. Entre une diffusion catastrophique de la RAI sur la plupart des sprints, une étape reine amputée de 2 cols majeurs puis une perte d’image sur 20km, des finals parfois extrêmement dangereux …
Pourtant, la course se présentait bien. Un parcours de qualité qui a globalement tenu toutes ses promesses mais déjà un premier point à soulever. Le nombre de col, de dénivelé positif diminuent chaque année. Encore plus avec l’abandon de 2 grands cols sur l’étape 16 dont la Cima Coppi du Giro, le Passo Pordoi. Une étape finalement assez spectaculaire avant une catastrophe sans nom, honteuse pour le standing de la course : une perte d’image pendant les derniers kilomètres du Passau Giau où Egan Bernal a façonné sa victoire finale puis pendant l’intégralité de la descente. Ajoutons à cela une radio de course plutôt mal informée sur certains écarts et une mystérieuse chute de Daniel Martinez. Comment le Tour de France a-t-il pue diffuser à Val Thorens en 2019 malgré la neige et la pluie quant à coté la Rai perd le signal 20km sur l’étape reine ?
Une deuxième question se pose, le Giro doit-il continuer à écouter les coureurs sur des réductions d’étape comme ce fut le cas l’an dernier sur l’étape 19 ou cette année sur l’étape 16 ? Les organisateurs ont eux-mêmes déclarer que « la suppression des 2 cols n'a pas de lien avec la sécurité ».
La stratégie Quick-Step
Vous ne verrez surement jamais ça 2 fois mais pour une fois, DQS s’est planté. En faisant confiance au prodige mais novice Remco Evenepoel, les Belges prenaient un risque énorme. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le pari a été perdant. Entre malchance et inexpérience, le belge a commencé très fort en étant aux portes du rose après 5 étapes mais il n’a rien pu faire quand la route s’est élevée. Explosant littéralement sur l’étape de la mini Strade, le Giro du belge s’est fini dans une clôture sur les routes de la 17e étape.
L’erreur des Belges réside peut-être dans 2 aspects. Tout d’abord un manque d’offensive global, étonnant pour une équipe qui anime souvent la course par ses nombreuses offensives, mais surtout la gestion Almeida/Evenepoel. Le portugais (partant en fin de saison) aurait surement pu accéder au top 4 (voire top 3) avec une meilleure stratégie en début de Giro. Les 2min30 perdues sur les routes blanches, tout comme les 2min au Zoncolan, sont celles qui empêchent le portugais d’atteindre la 4e place.
La malchance
Pour finir, comment ne pas parler de l’extrême malchance qui s’est abattu sur un nombre impressionnant de star de ce Giro. De la chute de Caleb Ewan sur l’étape 8 à la double crevaison de Gulio Ciccone sur l’étape 17, le tour d’Italie avait des airs de Koh-Lanta avec pas moins de 41 abandons. L’énorme plateau de favori était bien dégarni quand Damiano Caruso a levé les bras à Alpe Motta dans la dernière étape de montagne. Mikel Landa, Gulio Ciccone, Remco Evenepoel, Jay Hindley (déjà loin au moment de l’abandon), Marc Soler, Emannuel Buchmann et Pavel Sivakov avait déjà quitté la route du coté des grimpeurs, tout comme Caleb Ewan chez les sprinters, sa formation Lotto Soudal vivant même la fin de la course à 2. Stefano Oldani et Harm Vanhoucke se souviendront surement longtemps de leur solitude dans le bus de l’équipe en fin de Giro.
Bonus : Bauke Mollema, Hugh Carthy, Jay Hindley ...
Ceci n'est que mon avis personnel, vous pouvez débattre en commentaire si vous auriez mentionner d'autres choses.
Nicolas F
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